Bien recruter, intégrer et fidéliser votre personnel est un défi qui peut paraître parfois insurmontable dans le secteur médicosocial. En 3 articles consacrés au recrutement, à l’intégration et à la fidélisation de vos nouvelles recrues, je vous partage des clés pour améliorer vos chances d’y parvenir. 

Commençons par le recrutement.

30 000 postes vacants dans le secteur social et médicosocial

C’est un fait, les difficultés de recrutement dans le secteur social et médicosocial ne sont plus un secret depuis longtemps : en janvier 2022, les Actualités Sociales Hebdomadaires (1) rapportaient que 30 000 postes étaient vacants, selon la Fehap (Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés solidaires) et Nexem (principale organisation professionnelle des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire).

Plus proche de nous, encore, l’opérateur de compétences, Opco santé, déclarait, en décembre 2022 que près des deux tiers des établissements dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé, rencontraient des difficultés dans le recrutement de leurs salariés.

Un turn over important

Comme si cela ne suffisait pas, on assiste, en plus des difficultés liées au recrutement dans ce secteur, à un turn-over important.

Les raisons de cette désaffection sont multiples :

  • Les métiers sont difficiles, notamment en raison des rythmes et de la pénibilité. Et ils le sont plus encore en raison des effectifs insuffisants : l’impossibilité de répondre aux besoins des personnes accompagnées peut provoquer un sentiment de travail « mal fait ». Sans compter que cette carence d’accompagnement peut également susciter des comportements agressifs, voire violents, de la part de ces personnes vulnérables.
  • Les métiers sont rarement reconnus à leur juste valeur : trop souvent en CDD, avec des salaires jugés insuffisants. Les professionnels du social et du médicosocial associatif se sont également sentis déconsidérés et méprisés pour avoir été exclus des revalorisations de salaires décidées à la suite du Ségur de la Santé (2). Cette exclusion a provoqué un profond sentiment d’injustice et d’iniquité. Certes, depuis, des réajustements ont eu lieu pour certains des salariés de ce secteur, mais pas pour tous. Au final, le compte n’y est toujours pas.
  • Et bien sûr, les sous effectifs chroniques contribuent à accroître la pénibilité des métiers

Baisser le niveau d’exigence des recrutements ?

« On ne parvient plus à recruter. On va véritablement devoir baisser notre niveau d’exigence au moment du recrutement », déclarait un chef de service…

Pour autant, même s’ils attirent moins de candidats, ces secteurs continuent à présenter des attraits :

  • Les missions ont du sens,
  • Les publics passionnent,
  • Les professionnels ont le sentiment d’être utiles.

Aussi, gardons à l’esprit ces atouts et essayons de voir quelles pistes permettraient de continuer à recruter.

Baisser son niveau d’exigence ? Pourquoi pas. Mais pas à n’importe quel prix, ni sans avoir réfléchi à la méthode…

Deux étapes dans le recrutement :

  1. La sélection
  2. L’intégration

Nous traiterons ici de l’étape de la sélection.

Comment sélectionner vos nouvelles recrues ?

Sur quels critères faire l’impasse au moment de la sélection ?

  1. Faire l’impasse sur un niveau de diplôme ? Un rattrapage pourra toujours avoir lieu plus tard, via la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), par exemple.
  2. Faire l’impasse sur un niveau d’expérience dans le métier ? Cumulée à l’impasse sur le diplôme, cela risque de faire beaucoup…

Pour autant, tout n’est pas perdu. Certes, un niveau de motivation élevé, sera essentiel, cela va sans dire.

Il sera cependant nécessaire d’explorer les ressorts et les représentations sur lesquelles repose cette motivation. Nous y reviendrons.

Et si les compétences comportementales devenaient les nouveaux critères de recrutement ?

L’essentiel pourrait être, désormais, de valoriser les compétences comportementales. Parmi ces compétences, citons, par exemple :

  • La capacité à travailler en équipe,
  • L’organisation/rigueur,
  • La capacité à prendre du recul et à s’interroger sur ses pratiques

Pour n’en citer que quelques-unes.

Des compétences transversales à tous les métiers

Comme pour les compétences métiers, il est possible de classer les compétences comportementales sur une échelle, disons de 1 à 4.

Pour chaque compétence, en fonction du poste à pourvoir, on précisera le degré de maîtrise requis (un peu à la façon d’un niveau de langue étrangère par exemple). On veillera à y associer des résultats observables et mesurables ainsi que des indicateurs d’évaluation précis.

Prenons par exemple la compétence « travailler en équipe » :

Si l’on attend d’un candidat à un poste de moniteur éducateur qu’il sache « transmettre et partager informations et connaissances sur l’activité, le service, l’institution »,

On pourra attendre, en plus, de la part d’un éducateur spécialisé, qu’il sache « veiller à la bonne entente et à l’efficacité du collectif ». 

Des compétences à croiser avec la motivation

Contrairement aux « compétences métiers », l’intérêt des compétences comportementales est qu’elles se déploient dans de multiples situations de vie privée ou professionnelle. Pendant un entretien de recrutement, il sera donc possible de chercher à savoir si, au cours de son parcours, le candidat a pu mobiliser telle ou telle compétence comportementale.

Nous avons évoqué plus haut la nécessité d’explorer les ressorts et les représentations sur lesquelles repose la motivation du candidat.

Une compétence nous semble, ici, essentielle à explorer pour la croiser ensuite avec la motivation : la capacité à prendre du recul et à se remettre en question.

Quel que soit le domaine de vie considéré, professionnel ou non, avoir des préjugés ou des représentations, qu’ils soient favorables ou défavorables, est normal et inhérent à l’activité mentale.

Organiser et ranger les informations de l’environnement dans des catégories en les simplifiant et en les étiquetant, permet de se rassurer, d’avoir un sentiment de maîtrise et nous permet de vivre, tout simplement : si nous devions remettre en question tout notre environnement à chaque instant de notre vie, notre existence ressemblerait à un véritable cauchemar.

En effet, le cerveau a besoin de se reposer sur un certain nombre de certitudes pour pouvoir se mobiliser sur les autres informations à traiter dans son quotidien.

Alors bien sûr, dans le secteur du social et médicosocial, peut-être plus encore que dans d’autres secteurs, les représentations et les préjugés ne manquent pas : handicap psychique et moteur, exclusion, enfance en danger, comportements en dehors des « normes »… toutes ces réalités donnent lieu à de multiples représentations et croyances, qu’il sera sans doute nécessaire de déconstruire pour pouvoir faire un travail de « qualité »… travail de qualité sur lequel nous reviendrons et qui fera l’objet d’un autre article.

Aussi, dans ce contexte, la capacité à se remettre en question et à enrichir ses pratiques sera scrutée avec une attention toute particulière.

En effet, si cette compétence fait défaut, il sera bien difficile de distinguer ce qui, dans certaines situations, peut différencier la maltraitance de la bientraitance. Il sera également également très complexe de composer avec la multiplicité des regards et positions en équipe, l’interdisciplinarité étant une des fortes spécificités de ce secteur.

Prenons l’exemple d’un profil « sauveur » plus fréquemment rencontré dans le secteur du social et du médicosocial que partout ailleurs : on veillera lors de l’entretien de recrutement à poser des questions permettant de confirmer sa capacité, une fois en poste, à prendre du recul et à interroger ses pratiques. Il en aura besoin pour transformer sa motivation de « sauveur » en celle d’un travailleur social qui accompagne vers l’autonomie.

De l’intérêt de valoriser les compétences comportementales

Egalement appelées « qualités humaines », ces compétences sont bien plus difficiles à acquérir et à faire évoluer que les compétences techniques liées aux métiers. Aussi, les intégrer dans vos critères de recrutement constitue un atout pour sélectionner les candidats. La prise en compte des qualités personnelles des collaborateurs déjà en poste aide de la même manière à les fidéliser.

Carole Logiez

Le dossier « Bien recruter, intégrer et fidéliser votre personnel médico-social »  continue avec cet article 

Comment réussir l’intégration des nouvelles recrues ?

1) ASH (Actualités Sociales Hebdomadaires) Crise des métiers : environ 30 000 postes vacants dans le secteur privé non lucratif. Extrait de l’article « Professions et travail social » de Maxime RICARD, publié le : 19.01.2022.

2) Complément de traitement indiciaire (CTI), d’un montant de 183 euros nets mensuels, créé à la suite des accords du Ségur de la Santé (signés le 13 juillet 2020 entre le gouvernement français et la plupart des organisations syndicales concernées. En septembre 2020, ces accords ont concerné tous les professionnels paramédicaux dans les établissements de santé et dans les EHPAD. Soit : 400 000 aides-soignantes ; 380 000 infirmières ; 50 000 professionnels médicotechniques ; 20 000 personnels de rééducation. Après plusieurs manifestations, certains professionnels du secteur médicosocial non lucratif l’ont finalement perçue. Mais le compte n’y est pas : tous ne l’ont pas encore perçue.